vendredi 31 décembre 2010

Happy new year !

Les petits viennent de partir avec leur père. Toujours le même déchirement, malgré la soirée de réveillon qui s'annonce, avec DramaKing, et chez mes meilleurs amis.
Alors je ferme la porte de leur petite chambre, sur leurs affaires en désordre, leurs vêtements, leurs jouets, leurs livres, leurs trésors, et je range la table du goûter. Cela me fait moins mal si je n'ai pas sous les yeux les traces concrètes de leur existence.

Il s'agit de convertir ce sentiment de renoncement qui m'assaille si souvent, en choix assumés. Ce sera MA bonne résolution 2011.

Pour le reste, parlons plutôt de voeux : de la musique, des mots, des images, des émotions, des rencontres, un amour qui nous emmène encore plus loin... Pour DramaKing et moi, pour mes amis, pour les lecteurs occasionnels ou réguliers de ce blog, ceux que je connais, et ceux que je ne connais pas.

Il est temps de se préparer pour la fête. Qu'elle soit longue et belle, et rendez-vous en 2011 pour de nouvelles pages de vie à écrire...

jeudi 16 décembre 2010

La femme d'à côté


J'avais depuis longtemps envie de revoir "La femme d'à côté", qui m'avait beaucoup marquée adolescente.

On sait dès le départ que le drame est inévitable.
On le sait dès la scène inaugurale, au cours de laquelle Madame Jouve, choeur de cette tragédie et patronne du club de tennis local, raconte le départ d'une ambulance. La mort est déjà présente.
"Cette histoire, nous dit-elle, a commencé 6 mois plus tôt, non en fait 10 ans plus tôt. Non, 6 mois."

Un couple s'installe dans la maison voisine de celle de Bernard, Arlette et leur petit garçon Thomas. La femme de ce couple, Mathilde, la femme d'à côté, et Bernard, se sont aimés 8 ans auparavant. Chacun d'eux dit de l'autre qu'il lui "en a fait baver". Bernard : "Je t'en veux autant du mal que je t'ai fait que du mal que tu m'as fait." Attitude tellement masculine ! En vouloir à l'autre de la souffrance qu'on lui inflige, et de la culpabilité que l'on en éprouve.

Comme ils se retrouvent vite tous les deux ! Amour intact, désir exacerbé par les années de séparation et l'interdit, habitude de deux corps qui se connaissent et se redécouvrent pourtant, souvenirs partagés et présent  implacable, tendresse et hostilité mêlées. Certitude de l'impossibilité aussi, d'abord chez Mathilde, puis chez Bernard, mais aucun d'eux ne saura résister à cette passion inguérissable, dont ils ne veulent pas guérir.

J'ai pensé à l'exposition "Brune / Blonde" que j'ai vue la semaine dernière à la Cinémathèque.
Fanny Ardant est la brune absolue : intense, mystérieuse, celle qui fera souffrir, mais qui a souffert aussi, et souffrira encore. Et cette voix si particulière. Bernard : "Elle... Elle est plutôt ténébreuse. Elle fait partie de ces femmes qui n'en finissent pas de chercher midi à quatorze heures."
Arlette, la femme de Bernard, est jolie, souriante, gentille, vive et... Plutôt blonde, du moins châtain clair. Elle a senti l'éloignement de Bernard, mais n'a pas su en deviner la cause. Quand elle l'apprend enfin, elle console son mari comme un enfant. L'idiote qui croit que la compréhension, l'écoute, l'attitude maternelle le ramèneront à elle ! Bien sûr, c'est à ce moment là que l'on découvre, en même temps que Bernard, qu'elle attend leur 2ème enfant. Lorsque Mathilde est finalement hospitalisée pour dépression, Bernard lui rend visite régulièrement. A la demande de son mari, et avec la bénédiction d'Arlette. Une fille bien cette Arlette. Quelle conne !
Madame Jouve, s'adressant à Mathilde : "Quand je vois de beaux cheveux, je ne peux pas m'empêcher de les toucher. Surtout les brunes. Parce que les blondes il y en a trop." Tout est dit.

Ce contraste fait aussi toute la force du film : il s'agit d'un amour sauvage dans un univers lisse, policé, serein. On ne voit pas les saisons passer : il fait éternellement beau, doux et vert sur les courts de tennis. Idée magistrale que de situer cette passion au sein d'une bourgeoisie de province aisée, saine et sportive, incarnée par des personnages corrects et sympathiques. Transparents. Seuls Mathilde et Bernard semblent vivants.

Ils mourront pourtant. Mathilde tue Bernard, puis se tue, au cours d'une ultime étreinte. Eros et Thanatos, on n'en sort pas. Ce sont leurs deux corps que l'ambulance du début emporte. Mathilde sera à jamais "La femme d'à côté" : la voisine ; à côté de la plaque, à côté de ses pompes, à côté de la vie, parce qu'elle ne peut pas être aux côtés de Bernard dans la vie, et qu'elle a choisi de l'être dans la mort.

Madame Jouve nous dit qu'elle aurait voulu pour Bernard et Mathilde une même tombe, et une même épitaphe : "Ni avec toi, ni sans toi."

DramaKing, tu me manques à cet instant.

mercredi 1 décembre 2010

La lutte continue

J'aurais voulu publier cette note le jour anniversaire du blog mais la soirée a passé trop vite.

C'est l'heure d'un premier bilan donc.
Un an a passé. C'est le 39ème post. Le couple DramaKing / Liz se construit et s'invente jour après jour, au fil des mots et des images. Nous avons tous deux changé de vie, fait des choix assez radicaux pour être plus en accord avec nous-mêmes. Pas toujours facile.  Deux enseignements majeurs. Le premier : nous nous aimons, absolument, profondément, passionnément ; et nous voulons continuer à nous aimer ainsi. Le second : cet amour est riche et heureux, mais aussi exigeant et complexe ; il faut tout à la fois ne pas l'ignorer et ne pas sur-dramatiser.

Très récemment, je me suis enfin décidée à lire Houellebecq, c'était peu de temps avant l'attribution du Goncourt, et il n'y a pas de lien de cause à effet.  J'ai longtemps fui Houellebecq, comme je fuis tout livre, film, auteur... dont on parle trop et dont il faut savoir parler.
J'ai trouvé "Extension du domaine de la lutte" à la médiathèque et je l'ai emprunté. Je me suis reconnue dans le vertige du narrateur face à son inadaptation au monde. Si l'humour, le cynisme permettent dans un premier temps de mettre un peu ce sentiment à distance, au fur et à mesure que l'on avance dans le livre, il n'y a plus d'échappatoire possible.

Il arrive un moment où l'on ne veut pas voir la suite, parce qu'on est convaincu que le pire reste à venir. On ne peut pas continuer ainsi vers le néant, on ne désire plus que se couler dans une sombre immobilité.

Mais enfin, comme le dit DramaKing, moi j'ai mes enfants, mon amoureux, des amis, une famille qui m'aime et me soutient, du travail, de l'argent, un joli appartement, de jolies affaires, et même du temps que je peux organiser à ma guise. Je suis l' "adaptée" par excellence, du bon côté de la barrière, dans la bonne moitié de la planète.

Je suis pourtant submergée parfois, par la peur, la tristesse, le sentiment de vide, la conviction de l'inéluctabilité de la catastrophe.

Je lutte de façon modeste contre l'angoisse et le désespoir, et seulement pour moi-même et mes proches. Je me protège, je me calfeutre, je me barricade.
J'ai déjà écrit que DramaKing m'avait poussée à m'ouvrir de nouveau aux émotions. Mais jusqu'à présent, je n'ai pas encore réussi à passer de la compassion facile devant les malheurs exposés à l'action concrète. Je culpabilise car je n'ai le courage de me dépouiller de rien : ni temps, ni énergie, ni argent. Alors, si je n'y prends pas garde, je finis par verser dans la selbsthass si répandue chez mes Viennois chéris.

Lorsque DramaKing me soumet, je suis libérée de ces pensées qui me hantent. Je n'ai plus peur du vide. Le vertige qui me saisit est celui du présent, du corps, de la sensation, et mon angoisse me laisse en paix. En m'abandonnant à la volonté de DramaKing, je continue la lutte, et je deviens plus forte.