dimanche 21 février 2010

Les mots sont l'enjeu

Je tourne autour de ce post depuis plusieurs semaines. Les mots ont pris pour moi ces derniers temps une importance considérable. Je ne veux pas écrire pour écrire, et j'ai envie d'écrire. Je ne veux pas écrire pour écrire, et je ressens l'angoisse de ne pas écrire.

J'écris sur mon carnet bien sûr. C'est un plaisir dont je me passe très difficilement. Ce plaisir d'être en moi, la sensation physique du stylo qui court sur les lignes, la magie de voir les mots se former au fur et à mesure. Ces petits carnets sont probablement les objets auxquels je tiens le plus.

Mais parfois les mots me font peur. Leur pouvoir me fait peur. Je leur dois le retour de DramaKing et son amour aujourd'hui. Qu'arrivera t-il s'ils ne se présentent plus à moi spontanément, pour se soumettre et m'obéir ? Ils sont mon armée, mes soldats, que faire s'ils se mutinent ? Que faire s'ils perdent contre d'autres mots ?

J'ai donné un nom à DramaKing, j'ai donné un titre à cette photo, "DramaKing into jail". Nommer les choses, c'est vouloir se les approprier, les marquer de son sceau. J'ai tant lutté, tous ces jours, pour la reconquête de mon amour. Cette ultime bataille des mots, j'y ai jeté tout ce qui me restait de forces, et c'était bien peu.

Je crois que je suis profondément fatiguée, usée. Et je ne sais pas bien me reposer. Je n'ai de cesse de me fixer de nouveaux objectifs. Parfois c'est comme une fuite en avant insensée. Ces dernières années, ces derniers mois, ont été éprouvants. Je suis très heureuse aujourd'hui. Mais derrière la sérénité apparente, je me sens fragile, au bord de la rupture.

En écrivant, je n'ai eu jusqu'à présent d'autre ambition que de faire mienne ma propre vie. Mais en me servant des mots dans un autre but, pour retrouver et garder l'homme que j'aime, j'ai le sentiment d'avoir ouvert la boîte de Pandore, sans retour en arrière possible. J'ai découvert le pouvoir des mots, et le désir intense de le maîtriser, au-delà de moi. Je suis "condamnée" à poursuivre dans cette voie.

Il y a un avant et un après. Malgré la fatigue et mon envie de m'y laisser aller, je ne peux plus l'ignorer : les mots sont l'enjeu.

mardi 2 février 2010

La tentation du reflet


J'ai toujours eu le fantasme du frère.
L'homme qui me ressemble le plus, le seul avec lequel je partage jusqu'au sang, aux origines, aux caractères héréditaires, au code génétique.
Celui pour lequel aucune femme ne pourra jamais être ce que je suis.
Celui qui se souvient de moi enfant, m'a vue grandir, que j'ai troublé quand il n'aurait pas dû l'être, qui m'aimera toujours, à sa façon rude et tendre.
Celui qui est interdit aussi bien sûr.

Mais je suis fille unique, j'ai deux garçons, le tabou de l'inceste frère-sœur n'existe pas pour moi, et le fantasme restera à l'état de fantasme.

Je pense que c'est de là toutefois que me vient cette volonté de ressembler à DramaKing.

Il existe une tendance, typiquement féminine il me semble, à essayer de se fondre totalement dans l'univers de l'homme que l'on aime. Mon amie La Voix de la Raison appelle ça "le syndrome de la Femme Barbapapa".

Je crois que je vais plus loin encore. Je veux devenir son double. Je veux être cette femme à laquelle il ne peut renoncer sans se perdre lui-même.

Je n'ai jamais poussé aussi loin la tentation du reflet, et ne me suis jamais formulée aussi clairement son origine. Une confidence que m'a faite récemment DramaKing me laisse penser qu'il comprend et partage cette tentation. Et que le fantasme de ressemblance et de fraternité n'est en rien un frein au désir érotique, bien au contraire.

Ainsi, nous ne nous lassons pas de nous réjouir en constatant à quel point nous sommes semblables sur bien des aspects essentiels de nos personnalités.

Deux anecdotes pour finir :

début janvier, nous étions invités à une soirée chez sa meilleure amie, que je devais rencontrer pour la première fois. Tout se passe très bien, L. est adorable, les gens sympas, je m'amuse. Mais DramaKing est malade, pas très en forme, il veut rentrer avec le dernier métro, ce dont il m'avait prévenue dès le départ. J'ai un peu rechigné, traîné des pieds, sans le cacher. Sur le chemin du retour, il m'a dit : "Ne me refais plus jamais ça." Sur le coup, j'ai pensé qu'il exagérait, que c'était complètement disproportionné.
Puis j'ai compris. Pour lui, être en couple signifie montrer un front uni, ne jamais critiquer l'autre devant des tiers, ni le mettre dans une position d'inconfort, de gêne ou d'infériorité. C'est le soutenir et l'accompagner en permanence, surtout lorsqu'il est en difficulté, au mépris de ses propres envies.

L'autre anecdote date de dimanche soir dernier. Nous étions à Saint-Ouen, au festival Mo'Fo, où nous avons notamment eu la chance d'assister au premier "concert" - en réalité un trop court set - de Take it Easy Hospital, le groupe des deux musiciens du film "Les Chats Persans" (http://vimeo.com/9148840).
A un moment, nécessité d'une pause technique. Mais trop d'attente pour les toilettes des femmes, nous finissons par nous engouffrer tous les deux dans celles des hommes. Et faisons pipi, l'un après l'autre, en présence l'un de l'autre.

La tentation du reflet pour moi, pour nous je crois, renvoie à tout cela : une exigence de solidarité et de confiance absolues, quelque chose de l'enfance aussi, le jeu du "chiche", la complicité, le bonheur de se reconnaître dans l'autre, sa familiarité.

Frère et sœur enfin...