lundi 30 novembre 2009

Ne plus se retirer du monde

Je n'ai pas voté depuis le 1er tour des élections présidentielles en 2007. Je n'en suis pas particulièrement fière. C'était une période très difficile. Mon mariage était en train de sombrer et je réalisais que j'étais impuissante à le sauver. Il m'a fallu un an encore avant de prendre la décision de partir et de mettre ainsi fin à l'agonie. Je ne pouvais tout simplement pas m'intéresser à ce qui se passait autour de moi, j'étais une boule de souffrance, dure, hermétique.

J'ai pensé à l'une de mes amies, Anne. Une fille très brillante, engagée, combative. Nous nous sommes rencontrées en khâgne à Toulon. Elle était de toutes les manifs anti-FN, c'était l'époque où la municipalité avait basculé. Elle était courageuse, voire inconsciente. Nous avons passé ces dix dernières années à nous perdre de vue et à nous retrouver, comme le dit la chanson, aux moments clés de notre vie.

Je me souviens particulièrement de cette fois où nous avions déjeuné ensemble : elle venait de se séparer du père de son petit garçon, qui devait avoir 2 ans à l'époque. Mon propre couple n'avait pas encore montré ses fissures. Anne ce jour là... elle était comme une flamme éteinte. Elle disait qu'elle voulait se retirer du monde, qu'elle aspirait à une vie simple, solitaire, isolée. Se retirer du monde pour ne plus souffrir, elle qui s'y était déjà tant investie et qui avait encore tant à lui donner.

Je ne prétends pas avoir jamais eu le même degré d'engagement politique. J'avais seulement une conscience, une réflexion, et des convictions. Et ne pas voter était pour moi impensable. C'était un acte que j'aimais partager avec mon mari, puis avec mon petit garçon, qui nous suivait fièrement dans l'isoloir. Un rituel familial, constitué aussi de nos échanges (pas vraiment de débat, B. et moi avions tous les deux le coeur à gauche, tradition PS), de la découverte des résultats à la télé, du dépouillement des bulletins parfois.

Ce 6 mai 2007 donc, je n'ai pas voté. Je n'ai pas pu non plus les fois d'après. J'ai cessé de m'informer, d'écouter la radio, de lire les journaux. Je me suis retirée du monde. Je me suis érigée en forteresse, transformée en robot. J'ai étouffé toute indignation, toute révolte. J'ai pris soin de ne pas m'exposer à des émotions trop fortes, j'ai cultivé l'ataraxie.

DramaKing a fait tomber mes défenses. Il m'a appris à me laisser toucher de nouveau, à m'ouvrir, à rêver, à me passionner. J'ai vraiment senti quelque chose lâcher en moi le jour où il m'a montré ça : http://www.youtube.com/watch?v=Ftk4EqUDZr0. Une bombe de quelques minutes, que je n'ai pas été capable de revoir depuis. Il m'a aussi rendu la dimension politique de l'art et de la culture, lui qui vient d'un pays où la démocratie est loin d'être une évidence.

Aujourd'hui, pour lui comme pour moi, malgré ma douleur et mes larmes, je ne veux plus me retirer du monde. Et même si la vie politique française me désespère, j'irai voter les 14 et 21 mars prochains pour les régionales. Et mes fils viendront avec moi dans l'isoloir.

Debut

Voilà, j'y suis.

Je commence avec cet album de Björk, et cette chanson, "Venus As A Boy", qui me fait tant penser à lui.

Lui dont je n'ai jamais pu prononcer le nom en sa présence, et qui est devenu DramaKing.

Les mots, ceux que je lis et ceux que j'écris, me sont aussi essentiels que l'air ou l'eau. Ils ont été très présents dès le début dans notre relation. Et c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour ne pas le perdre tout à fait lorsqu'il m'a quittée. J'ai d'abord écrit pour moi, comme je l'ai toujours fait. Puis j'ai commencé à lui écrire sur le site sur lequel nous nous sommes rencontrés. Comme une bouteille à la mer. J'ai vu qu'il me lisait. J'ai continué. J'ai pensé à Schéhérazade. C'était un lien, très ténu, mais un lien quand même. Il me fallait susciter son intérêt, son désir, au travers de ces messages, à l'aide de mes mots. Je ne voulais sombrer ni dans la banalité, ni dans la supplication, ni dans la provocation. Je lui envoyais de la musique aussi, celle qui m'aidait à tenir debout.

C'était il y a un mois environ. Ce n'est plus un monologue aujourd'hui. Nous échangeons. Je crois que nous nous retrouverons. Je ne veux pas trop y penser pour le moment.

Le blog, j'en avais envie depuis longtemps. J'aime cette impudeur protégée par le dédale du web et me dire que, peut-être, on finira par me trouver, le "on" n'étant pas défini, et c'est aussi ce qui me plaît. Quand D. m'a laissée, j'ai pensé qu'il fallait transformer toute cette souffrance, cette tristesse, en quelque chose de positif. Un jour, je lui avais dit que je voudrais pouvoir tout garder de nous, fixer ces moments d'autant plus parfaits qu'ils sont éphémères : quand l'air se fait doux, la lumière chaude et les corps légers (je me souviens particulièrement de cette balade dans Paris, le 14 juillet, j'avais l'impression de marcher à 30 cm au-dessus du sol). Il avait alors évoqué le fait de tenir le carnet de route de notre amour, une sorte de journal à 4 mains. Et au fil de nos derniers échanges, l'idée du blog s'est imposée à moi, bien que le sujet et les circonstances ne soient plus tout à fait les mêmes.

Il m'a donné son accord, je ne l'aurais pas fait sinon. Il m'a aussi autorisée à publier des photos. C'est important ses photos, elles parlent de lui mieux que je ne saurais jamais le faire.

J'ai promis de le laisser venir. Je l'attends. J'essaie de rester vivante...