mercredi 21 juillet 2010

Le secret



Pour DramaKing et moi, le rapport de domination / soumission n'est pas seulement un jeu érotique. Il est constitutif de notre amour et conditionne l'ensemble de notre relation.

Il est mon maître et je suis sa soumise. Je n'en fais pas toute une histoire, c'est une donnée de base de ma vie et de mon "moi" désormais, tout comme le fait d'être mère. J'agis, pense et me vis en mère avec mes enfants, de même j'agis, pense et me vis en soumise avec DramaKing.

Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Je me montre avec DramaKing douce, patiente et conciliante comme je ne l'ai jamais été. Je défends mon point de vue et impose ma volonté quand je l'estime nécessaire, mais différemment. Là où je passais en force, en dureté, et parfois en provocation, j'use aujourd'hui de calme, de discrétion, de délicatesse et d'empathie. Je veux que mon maître se sente toujours tel, même, et surtout quand il se rend à moi. J'ai ainsi le sentiment de retrouver les arcanes d'un savoir féminin très ancien : celui des courtisanes, des favorites, le savoir d'une Madame de Maintenon.

DramaKing en retour m'admire, m'écoute, me respecte, me gâte, me pare, me baise, me câline et me bat avec passion. Il m'appartient autant que je lui appartiens.
Et dans notre couple, le rire, la complicité, les tendres moqueries, les petites bêtises, ont aussi droit de cité. Simplement, nous n'oublions jamais ce que nous sommes l'un à l'autre. A l'arrière-plan, en toute liberté, en toute légèreté, il y a ce lien si particulier qui nous fait basculer à tout moment.

Il n'y a pas de frontière entre notre vie érotique et notre vie "réelle", les deux se mêlent et se confondent : toujours un peu de hardcore dans le sensible, toujours un peu de sensible dans le hardcore. DramaKing dit qu'en cela, je le mène plus loin qu'il n'a jamais été, au bord du gouffre, au-delà de la ligne rouge. Il dit aussi qu'il ne pourrait pas me gifler comme il le fait s'il ne m'aimait pas autant, et que s'il adore me faire mal, il déteste me voir souffrir, que ce soit physiquement ou moralement.

Jusqu'à récemment, je ne réalisais pas à quel point ce type de relation est, disons peu commun, voire hors norme. J'aime en soumise, avec autant de naturel, de spontanéité, de bonheur, d' "innocence" au fond, qu'en amoureuse "classique". Je n'éprouve pas de sentiment de transgression, ce qui me désole un peu parce que cela pourrait ajouter encore à l'excitation.

Alors parfois je me demande si, dans cette marginalité dont j'ai quand même fini par prendre conscience, je suis tout à fait "normale".

Je découvre pas à pas, un univers qui est loin de se résumer à Sade, Histoire d'Ô, et toute la vague imagerie noire, jarretelles, escarpins, chaînes et chandeliers qui s'était développée dans un coin de ma tête.
Il y a ce terme, BDSM, que je ne connaissais pas il y a encore quelques mois (sigle de "bondage et discipline, domination et soumission, sado-masochisme", dixit Wikipédia).
Des photos, des livres, des figures, des objets, des légendes, des films, des pratiques et des rituels : une culture à laquelle m'initie DramaKing, et que j'explore aussi timidement de mon côté, par des lectures principalement, par exemple "Les filles du déluge" d'Alexandre Gamberra, conseillé par Aurora dans sa sélection de l'été (http://auroraweblog.karmaos.com/post/2073).

Mais ce monde est si prolifique et divers, je suis fascinée, autant parce que je m'y reconnais, que parce que je m'en sens très éloignée.

Qui sont vraiment les gens comme DramaKing et moi, les couples comme nous, comment vivent-ils leur amour au quotidien ? Je regarde les passants dans la rue. Je me demande si celle-ci est une soumise, si celui-là est un maître, je cherche des signes, surtout chez les femmes. Est-ce que les soumises sont différentes des autres, à quoi les reconnaît-on, est-ce que je leur ressemble ? J'ai depuis longtemps, et de plus en plus, le goût des gros bracelets, qui pèsent sur le poignet et le font plus fragile. Je les porte aujourd'hui comme un rappel de ces autres bracelets, que seul DramaKing connaît et qu'il a choisis spécialement pour moi. Comme un code secret.

Ce secret, je le berce en moi avec fierté et émerveillement. Et je me demande si "ça" se voit...